Cet article est un extrait du livre : Les bâtisseuses d’une nation – L’héritage des plus grandes femmes musulmanes (Haifaa Younis).
Nous évoquons souvent les remarquables réalisations d’éminents savants et hommes de savoir, ainsi que les transformations qu’ils ont apportées à notre Oumma, mais nous pensons rarement à la source d’inspiration qui les a poussés vers cette noble carrière. Lorsque nous examinons attentivement l’histoire de l’Islâm, nous pouvons toutefois constater que nombre d’érudits ont été soutenus, tout au long de leur vie, par des femmes fortes.
Il est intéressant de noter que bon nombre des plus éminents savants de l’Islâm ont été élevés par des mères célibataires, qui les ont nourris, éduqués et leur ont donné la vision nécessaire pour devenir des hommes nobles, pieux et dotés d’un fort caractère. Ces femmes partageaient toutes une vision commune : faire de leur enfant un phare de la connaissance et de la sagesse afin qu’il puisse se rapprocher d’Allâh ; et pour concrétiser cette vision, elles ont œuvré sans relâche.
L’éducation d’une icône du savoir
Abû ‘Abd Allâh Muhammad ibn Ismâ’îl al-Bukhârî, ou plus simplement l’Imâm al-Bukhârî, était un savant du hadîth : il est essentiellement connu pour sa compilation canonique de hadîths, al-Jâmi’ al-Musnad al-Sahîh, que l’on appelle familièrement le Sahîh d’al-Bukhârî. Le père de l’Imâm al-Bukhârî était également un savant du hadîth réputé qui avait voyagé dans l’ensemble du monde musulman pour acquérir des connaissances, mais il est décédé relativement jeune, laissant derrière lui un jeune fils dont sa mère a dû prendre soin seule. Il est intéressant de noter que nous ne connaissons pas le nom de la mère de l’Imâm al-Bukhârî ; mais nous savons qu’elle a rendu un immense service à la Oumma musulmane en préparant son fils à devenir l’un des érudits musulmans les plus reconnus de tous les temps.
La mère de l’Imâm al-Bukhârî avait de grands projets pour lui : elle voulait qu’il suive les traces de son père. Mais lorsque son fils a atteint l’âge de 12 ans, Allâh l’a soumis à une lourde épreuve : il a alors perdu la vue. Sa mère l’a emmené chez plusieurs médecins et a essayé de nombreux remèdes, mais rien ni personne ne semblait pouvoir résoudre son problème de santé. À compter de ce stade, elle a commencé à passer des nuits entières en prière, invoquant son Seigneur avec la ferme et pleine conviction qu’Il rendrait la vue à son fils, selon la Parole d’Allâh :
« Votre Seigneur a dit : ‘Invoquez-Moi, Je vous exaucerai.’ »[1]
Des prières exaucées
La mère de l’Imâm al-Bukhârî a continué à prier ainsi en espérant que l’aide d’Allâh se matérialiserait bientôt. Elle a fait d’une grande persévérance et d’une immense détermination ; et Allâh a, bien entendu, répondu à ses prières. Elle a d’abord fait un rêve au cours duquel Sayyidunâ Ibrâhîm venait la voir pour lui dire que son fils allait retrouver la vue ; puis, peu de temps après, Allâh a rendu la vue à l’Imâm al-Bukhârî grâce aux invocations sincères de sa mère et à sa confiance en Sa miséricorde.
Pendant sa période de cécité, la mère de l’Imâm al-Bukhârî n’a pas abandonné sa mission d’éduquer son fils et de lui enseigner l’Islâm : lorsqu’il a recouvré la vue, il avait ainsi déjà accumulé un vaste savoir grâce à sa mère, qui lui lisait les hadîths du Prophète ﷺ avec leurs chaînes de transmission. L’Imâm al-Bukhârî était si vif et intelligent qu’il avait alors mémorisé un très grand nombre de ces récits. Par son travail acharné et son dévouement, sa mère a inculqué à son fils une profonde affection pour le hadîth et le savoir islamique : ainsi, chaque hadîth et chaque information qui nous sont parvenus par le biais de l’Imâm al-Bukhârî peuvent être légitimement attribués à sa mère !
Lorsque l’Imâm al-Bukhârî a enfin recouvré la vue, sa mère l’a encouragé à apprendre davantage encore : alors qu’il n’avait que 18 ans, elle l’a ainsi emmené avec son frère au hajj et l’a laissé à Makkah afin qu’il puisse directement apprendre auprès de savants compétents et reconnus.
Un héritage intemporel
L’influence de la mère de l’Imâm al-Bukhârî s’étend bien au-delà de son fils, puisqu’il est devenu le mentor et l’enseignant d’immenses savants tels que l’Imâm Muslim et l’Imâm al-Tirmidhî. L’histoire de la mère de l’Imâm al-Bukhârî est une source d’inspiration pour les mères du monde entier. Un tel sacrifice, une telle détermination et un travail si acharné ne peuvent être vains : Allâh nous promet en effet que ceux qui marchent sur Son chemin Le verront courir vers eux. Cette mère extraordinaire est un brillant exemple de cette notion. Sa foi inébranlable et ses efforts nous rappellent que le rôle d’une mère s’étend bien au-delà des besoins immédiats et du confort de son enfant : il consiste à faire naître, développer et cultiver une base solide de foi, de connaissance et de caractère qui façonnera l’avenir de l’enfant et lui permettra d’apporter une contribution positive à la société.
[1] Ghâfir, 40/60.